Le fond est naturellement dans la forme. Il n’y a pas à commenter, interpréter, gloser. Mais à ressentir. Pour ce faire, il est bien entendu nécessaire de regarder longuement, c’est-à-dire de se pénétrer jusqu’à s’enlacer à l’œuvre. Alors toute sa sensualité émeut la volupté de qui la contemple sans restriction. On ajoute ce qui nous plaît à cette beauté radicale comme une femme pare ses appas. Le seul préalable à cette réussite indispensable est de pouvoir s’identifier, de se reconnaître dans la forme prise par le fond, ou dans la lettre prise par l’esprit. La peinture n’est pas une figure tachée de couleurs comme celle dont se sert le psychologue pour établir ses tests. Se trouver face à un rébus sur lequel discourt à l’infini l’imagination, n’est qu’un jeu de mots vides comme des boîtes qu’il faut remplir vite de sens sous peine de passer pour un pareil rébus à ses propres yeux, sans pourtant les en croire. L’œuvre d’art n’est pas un jeu, ni un jouet, encore bien moins une joute oratoire, et elle ne se réduit pas à un objet décoratif posé sur un piédestal laudatif. Cette œuvre est au contraire l’image aussi intime que formelle de soi-même ainsi révélé.