« […] En attendant tu approches, mais sans hâte. Peut-être, me dis-je, fait-il durer le plaisir ? Un plaisir cruel pour moi dont l’anxiété s’accroît au fur et à mesure que tu avances, que tes yeux t’avouent, que ton visage, ta bouche, tes mains, que tout ton corps, que tes pieds même font déjà l’écart qui te dévie de ton droit chemin, un écart minuscule, infime, c’est vrai, mais suffisant pour te conduire à moi. Moi qui prie, qui te crie, qui t’écrie mon amour, moi dont la détresse trémule sur mes lèvres, moi qui pleure… Tu dois le voir d’où tu es… ? Qui pleure, mais sans larmes puisqu’elles refluent à l’intérieur où elles se répandent en sanglotant, en m’ensanglotant… Et puis, soudain, les lumières de ta raison reprenant le dessus, tu te retires, tu me déchires, et sans rien dire ni avoir dit, comme un cupidon qui après son effort rajuste sa cravate, sa veste, ses lunettes et sa coiffure, tu te ressaisis, et l’ego harponnant l’éros tu remets tes pas dans ton droit chemin. Tu passes, tu pars, tu t’éloignes, je meurs. […] »
© Guy Brémond, in presque lent.