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23 juin 2009 2 23 /06 /juin /2009 07:02


           Les arbres et la terre sont le seul univers qu’il peut peindre les yeux ouverts, sans craindre d’avoir à les fermer comme on les ferme à un mort par la survenue d’une laideur dont le vice est un sadisme. La laideur jouit de la torture qu’elle inflige. Or la laideur a toujours un auteur, une espèce fort répandue de loup-garou, un affreux lupus – Homo homini lupus –, une maladie de la peau qui a gagné le cerveau.

En s’installant à l’âme-hors-les-murs, Guy Brémond s’est mis hors d’atteinte. Sans avoir besoin de vaccin ni de télescope : sa vue de Sirius joint à son regard de gelée royale lui permet d’être proche jusqu’à l’intimité et lucide jusqu’à la vérité sans fard.

Tous ses portraits – de paysage, d’homme, de femme –, a fortiori tous ses autoportraits, révèlent jusqu’à l’explicitation de l’épure cette exigence de l’amour, avec exposant puisqu’il s’agit, répétons-le, d’absolu.

 

« Le chef-d’œuvre d’un peintre

est son regard impénitent,

où flamboient plus d’ombres

qu’en son œuvre.

 

Ici, excès et mesure,

chacun boudant contre soi-même,

ont concilié leurs dons pour mettre à nu

un indomptable visage. »

 

Gabriel Vartore-Néoumivakine, sur un autoportrait de Guy Brémond (paru dans Verso, n° 115).

 

La terre et les arbres, la chair et le marbre, voilà donc tout l’univers de cet homme que désormais, combien ? trois, quatre amis tout au plus, connaissent, ont appris à connaître de telle sorte qu’ils savent en le regardant combien d’humanité il a mis et met encore dans les mots qu’il écrit, dans les peintures qu’il accomplit. Au lieu d’humanité on pourrait dire spiritualité, mais ce serait un peu chipoter sur les termes alors que l’essentiel reste l’homme. Dans “Noria”, il décrit ainsi la spiritualité activement vécue :

« En quatre enjambées, il se désembourbe de l’espèce de lotissement au milieu duquel est plantée la “fortune du pot”, maison neuve parmi les autres. Puis, dans un jour tard venu et bas sur de grandes cultures, il traverse, en y suivant de fines routes sans fin, cet immense espace découvert qui le met à la merci de n’importe quel regard. Il s’en effarouche. Heureusement, des haies, brèves mais denses et providentielles, longent parfois des pâtures spongieuses à chevaux moins de trait que de selle. Ou bien ce sont de longs taillis courts de taille qui bordent le trimard. Des bois broussailleux à tiges tortes font parfois des îles au milieu de cet océan vert, bossué de vagues collinaires derrière lesquelles s’élèvent, en déployant leurs vastes draps de lit blancs, des ciels de majesté sur fond de teint noir. À moins que ne jaillisse de la croupe d’une terre bise, dressé vers l’au-delà, un doigt de clocher fin à l’ongle d’ardoise bleue. »

D’une manière générale, les œuvres dites sacrées (littéraires, picturales ou musicales) ont souvent bien moins de spiritualité que celles que l’on qualifie de profanes. Mais peu importe, cracher dans l’eau pour faire des ronds a toujours très occupé les herméneutes de tous poils, ce qui n’est pas notre propos puisque nous en sommes à Guy Brémond. Qui d’ailleurs ne pipe mot. On parle pour lui, pour que le meilleur de lui-même ne reste pas lettre morte, c’est-à-dire esprit mort, beauté morte, amours mortes.

Je l’ai dit en commençant ce voyage : malgré mon amitié, je ne saurais remplacer sa peinture. Elle se suffit à elle-même, et il suffit de la regarder pour se sentir invinciblement augmenter du poids d’une âme.

 

            « Dans l’ombre une chair blanche. Un bouleau se penche. Ses doigts de lait cru grêlent sur le clavier laineux de la nuit.

– Regard de l’eau entre ciel et terre. Solitude sertie par deux lèvres aussi nues que deux seins d’abeille. Soir frais beurré de silence. Beauté ajourée de tes jours d’errance. Une lampe rassure, une lampe attend sous la paupière de tes dentelles.

D’un rameau roux le bouleau dans l’ombre a l’art de toucher le clavecin.

– Ton visage est levé comme une main tendue et ta vie se tisse au soir de haute lisse : feu brodé au point de tige ; bris de braises roulées sous ta neige ; roucoulement fou d’oiseau emplumé dans ta cage… Le cristal de tes lèvres dorlote mon sourire. Ta lampe est le velours blanc du crépuscule.

           Quelle angoisse a peint ce cartel de fleurs pimpantes sur la porcelaine de ma mémoire ? »

 

© Guy Brémond, dans presque lent

 

 

 



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