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11 juillet 2009 6 11 /07 /juillet /2009 07:44


Le pays où vit dorénavant Guy Brémond est un pays à peu près dépeuplé d’hommes et peuplé d’arbres. Donc un pays habité de solitude et de Brémond. Ce silence et cette solitude forment un couple parfait, une rareté. L’œuvre qui en naît – journalièrement – en témoigne.

Si elle ne fait pas de bruit, ne fait pas parler d’elle, c’est comme un mort dont la paix est profonde comme la terre, c’est-à-dire comme un tableau enfermé dans une pièce, accroché sur un mur, seul, dans les ténèbres, sans la lumière d’un regard. Songe-t-on quelquefois à toutes ces beautés ensevelies dans le tombeau de l’absence ?

Une œuvre qui ne fait pas plus de bruit que l’herbe qui pousse devant la porte de sa maison. Vieille. Non comme les rues, mais précisément comme l’herbe qui n’a plus d’âge à force d’en avoir. Ceux de ses amis qui voudraient, non qu’on fît du bruit – rien n’est plus haïssable que le bruit humain – mais que cette œuvre silencieuse fît taire les hommes au moins l’instant qu’il leur faut pour se recueillir, hésitent à la pousser sur le devant de la scène. Ils craignent en effet, non sans raison, que le passage sans transition de la pénombre de la paix à l’éclat des projecteurs soit fatal aux spectateurs : il y a de fortes probabilités pour que la beauté tourne bride à ce soleil et regagne son ombre.

Ces messieurs-dames auraient alors beau jeu de se dorer la pilule (un régal) en se gaussant des restes : une peinture faisant grise mine dans l’or de son cadre de vie conditionnée. Il faut pourtant tenter la chose.

Difficile, car il s’agit d’une véritable transplantation. Transplanter le cœur vivant d’un mort dans un corps vivant au cœur mort équivaut à sinon réussir, du moins à vouloir accomplir un chef-d’œuvre. C’est du reste cette opération qu’effectue Brémond chaque fois qu’il plante un arbre dans son œuvre. Il lui arrive même d’y brancher une chouette. Si bien que de fil en aiguille, la tentative à laquelle on se voue équivaut, considérant le nombre de transplantations emboîtées les unes dans les autres, à rien moins qu’à expatrier de son milieu nocturne un univers de lumière pour l’implanter dans un milieu de feux d’artifice.

On devrait écrire la fable intitulée : l’arbre de ville et l’arbre des champs. Les arbres de Brémond sont tous des arbres de vie, autrement dit de la liberté d’en descendre ou d’y remonter pour ceux des hommes qui sur terre ont des raisons de craindre pour leur vie, intérieure et extérieure. Tous les arbres qu’il peint, ou dépeint quand il troque le pinceau pour le stylo, sont des êtres parfaitement indéracinables : ils sont le tableau ou le poème qu’on ne peut pas plus ôter du cœur amoureux qu’on ne peut ôter ses yeux dans les yeux dans un tête-à-tête amoureux.  

 

            « Le silence franchit les vitres comme les pas traversent les champs jusqu’aux lisières des bois.

            La lumière froncée y boutonne sa chemise sur les odeurs d’amour, d’humus, d’émois.

La pénombre lèche la chair des lèvres ; le tissu d’été se jupe autour du lait des jambes.

Nul grésillement, que le matin dans l’arbre aux mains légères, que les pas du chemin jusqu’au bout du silence. »

 

© Guy Brémond, in Récitatif

 

 

 

 

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