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18 juillet 2009 6 18 /07 /juillet /2009 06:19

Dans tous les textes de Guy Brémond, comme dans toutes ses peintures, règnent le silence et la solitude. Deux qualités simultanées soudées à la sensibilité, à la sobriété et à la suggestion. Si bien que textes et peintures ne sont évidemment pas du goût de ceux dont la vie se passe dans la foule et le bruit (du petit groupe d’amis et la conversation chaleureuse qui s’ensuit, à la masse humaine compactée dans un stade, une salle, une place, et le vacarme assourdissant qui en résulte). Par voie de conséquence, l’homme de cette œuvre subirait le même sort.

           D’une manière générale, toute œuvre – ce qui élimine tous les ersatz, tous les faux et usage de faux – implique, pour être regardée, appréciée, aimée, le silence, donc la solitude. Une peinture, un poème, ne souffrent pas plus qu’une musique le bavardage et le coup d’œil fugace lancé depuis un conglomérat d’hommes. Pourtant, là où il ne viendrait pas à l’esprit d’authentiques mélomanes de commenter entre eux l’Et exspecto ou le Quatuor pour la Fin du Temps, de Messiaen, durant leur exécution, il vient à l’esprit et à la bouche des amateurs de peinture, alors qu’ils sont face à l’œuvre, de disputer entre eux des mérites ou démérites de celle-ci. Cette différence de comportement démontre que ces personnes ne comprennent rien (à l’humanité dans l’homme, à l’œuvre qui sort de telles mains : artistique, littéraire, amoureuse, sociale, musicale, politique…). Ne leur importe pas même leur propre personne laissée à croupir au fin fond d’elles-mêmes. Ne les “enthousiasment” (de ™n>ousi£zw : être inspiré, œn>eoj : inspiré par les dieux, celui en qui est un dieu) que la mondanité, le colifichet, la gloriole et l’argent.

Aussi n’y a-t-il rien de surprenant dans le fait instructif que l’œuvre de Brémond “n’enthousiasme” pas les foules : elle impose silence. Elle est le silence. Elle est la bouche ouverte qui ne peut être touchée que par une autre bouche ouverte : autrement dit deux silences s’accouplent, deux solitudes font l’insulaire insurrection de l’amour, la surrection de la bonté, l’érection de la beauté. Une évidente continuité, car pour qui aime une œuvre, ces propos sont des lapalissades. Mais le cas de Brémond provoque d’incomparables aggravations de pensées, défectueuses, bien sûr : la solitude et le silence qu’exige son œuvre sont jugées intolérables, insupportables. Aussi lui tourne-t-on le dos en bafouillant : c’est barbant, faute de penser à se taire pour faire usage de son regard jusqu’au cerveau. L’échec et la défaite tiennent toujours à l’abdication : la volonté refuse de fournir l’effort de discernement approprié.

Brémond est vraiment tel qu’en son œuvre on le voit et le vit, du moins pour peu que l’on se donne la peine délectable d’exprimer, conjointement au sien et à la sienne, un silence et une solitude grâce à l’innovation desquelles on découvre une longévité d’existence que le langage courant, faute de mieux, appelle l’éternité.

Ce qu’en la faisant essentiellement humaine et terrestre, on pourrait, entre autres traductions, exprimer de la façon suivante : « […] le doux lait blanc d’une vache que le joug n’a point souillée, le miel brillant que distille la pilleuse de fleurs, joints à l’eau qui coule d’une source vierge ; et aussi cette pure et joyeuse liqueur, sortie d’une mère sauvage, d’une vigne antique ; ce fruit odorant de l’olivier blond, dont le feuillage vivace s’épanouit en toute saison ; et des fleurs en guirlandes, filles de la terre fertile… » Eschyle, Les Perses.

 

 

 

 

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