L’artiste est l’homme qui jouit (sait jouir) de lui-même, c’est-à-dire de l’humanité tout entière qui est la chair de sa chair. Il ne prend pas, mais a plaisir, et tel est l’art d’aimer, la création. Laquelle n’est évidemment jamais ex nihilo ni jamais ex cathedra. Qui dit création, dit incarnation. La carnation du pastel (comme d’ailleurs de toute matière à peindre) tient à très peu de chose, un pigment. Le reste est un liant, de la gomme arabique, de l’huile ou de la cire, et de la craie, ou du plâtre. – du muscle, du sang, du neurone. L’art consiste à faire l’amour, à le bien faire, à le mieux faire, à faire un chef-d’œuvre. À tout le moins de se donner totalement pour cela, à y mettre toujours toute sa vie, toute ! sans surtout jamais garder une poire pour la soif, jamais ! Certes, celui qui n’est pas un artiste, autrement dit qui ne pratique pas cet art d’aimer, borne sa vie-son œuvre à un stylisme, c’est le plasticien, l’ouvrier de la mode, le dessinateur de mode, il ripoline ses abstractions de quintessence. Tant pis s’il ne gagne que gloire et richesse, s’il perd l’art et l’amour, time is money dit le consensus sapientium : la morale est sauve. Tant mieux, en revanche, pour qui mire admire aime jusqu’à l’ivresse, le chant, la danse, la calligraphie, et qui baise et re-baise cette chair admirable couchée sur ce papier chiffon…