Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 juin 2009 5 26 /06 /juin /2009 06:08


           Tous les amis (Gabriel Vartore, Jean-François Hamelin, Georges Dureau, Roger Kowalski, Jean-Claude Czyba, Jacques Oudot, les vivants, les morts et quelques autres de plus, sans oublier votre guide Cicérone…) de Guy Brémond savent bien que sa solitude volontaire n’a pas pour but de leur tourner le dos, mais bien au contraire de leur ouvrir les bras. On n’offre pas à ceux qu’on aime, dit-il, un objet souillé. Raison pour laquelle il se préserve, préservant ainsi sa peinture, la beauté en général – c’est-à-dire ce qu’il y a de plus pur et de plus parfait –, à seule fin qu’elle soit un objet aussi propre que l’est une étoile à l’œil nu.

En vérité, tout ce que ses amis savent, et donc tout ou à peu près tout ce que je sais de lui, ils le savent et je ne le sais que par les confidences de sa peinture et par la lecture de ses textes. Guy Brémond ne parle pas. Ou s’il parle, c’est parce qu’il est poli et qu’il répond, ou parce qu’il sent que son interlocuteur éprouve une gêne à cause de son silence. Ce qu’il dit alors n’a aucun rapport avec sa vie, mais uniquement avec la vie de l’autre, et uniquement pour le désembourber de sa gêne. Lorsque, peut-être cinq ou six fois dans son existence, il s’est risqué, par extraordinaire, à parler de ce qui pour lui est l’essentiel, il s’est à chaque fois, et chaque fois de manière inattendue, heurté de plein fouet à un mépris, une arrogance, une désinvolture, une condescendance, une raillerie, une surdité… Ce que certains lui reprochent – reprochent donc à sa peinture et à sa littérature –, c’est de parler (quand il parle ! car la plupart du temps il s’exprime précisément par le dessin et l’écrit) de ce qu’il ne faut pas : ce pour quoi la vie vaut d’être vécue. Dès que les choses intimes paraissent, tout le monde s’esquive, tourne le dos, ou les prend à la grosse rigolade, ou encore laisse tomber un silence vertical, plus exactement un mutisme. C’est comme si l’on reprochait à un homme et une femme les mots qu’ils se disent pour s’avouer leur amour. D’ailleurs l’amour est tabou : à croire qu’il est devenu sale comme était considéré jadis le sexe, devenu quant à lui à la mode, ce qui ne le rend pas plus propre pour autant, sauf à le laver, le reste à l’avenant, mais alors c’est pour lui coller couleurs et odeurs soi-disant aphrodisiaques plus sales que la susdite saleté. Bref. Brémond garde donc le silence. On peut cependant l’écouter, autrement dit le regarder dans son œuvre, et si celle-ci nous émeut ou nous “parle”, alors on peut être sûr qu’il s’agit de la beauté du silence.

Car le moindre de ses dessins, la moindre de ses peintures continuent à dire ce qu’il ne faut pas, ce qu’il est convenu de garder pour soi, ce que tous les bavards qui causent sans pudeur et à satiété d’argent, de savoirs, de techniques, de politique, de théories, de voyages aux antipodes ou de surfine érudition, appellent de l’impudeur.

Sans arguer du sujet d’un livre, d’une partition, d’une peinture, toute œuvre est premièrement une confidence. Nous mettons naturellement à part les ouvrages didactiques, d’histoire, etc. Et une confidence presque toujours à ne pas mettre sous les yeux de n’importe qui : une confidence qui touche aux secrets des entrailles. On pourrait dresser ici une liste de ce genre d’œuvres, elle remplirait aisément toute la page. Mais à quoi bon ? On sait tous qu’en écoutant une sonate de Caplet ou Bartók, qu’en lisant un poème de Louis Guillaume ou de Marina Tsétaïéva on écoute un cri du cœur, des mots d’amour et de mort… Or ces musiciens et ces poètes font preuve d’une extrême pudeur. Eh bien les tableaux de Brémond, quelle que soit par ailleurs la qualité picturale, sont pareillement des confidences extrêmes d’une extrême pudeur.

Tout ceci explique – sans doute qu’en partie – pourquoi nombre de personnes persistent à regarder, à écouter, à lire, à penser, à sentir en faisant des pieds et des mains pour se les mettre devant les yeux, les oreilles, le cerveau et la sensibilité. Tranchons le mot : devant l’humanité qu’elles sont, et à qui elles ne veulent pas qu’on parle d’amour autrement qu’en termes académiques, ou si l’on préfère, en termes à la mode, ou conformes aux us et coutumes, ou convenablement modernes. Mais tout cela revient au même.

Un mot caractérise la personne et l’œuvre de Brémond : la discrétion. Ses amis, qui le connaissent, ne s’étonnent plus de le voir s’effacer avant l’heure, au lieu de se mettre en valeur comme font tous ses confrères. Pour ma part, il me suffit de le regarder se comporter, pour comprendre et pouvoir affirmer que cet atypique n’est tel que par la nécessité (si ce n’est même le destin) d’être conséquent avec ce qui le fait vivre et qu’on voit vivre dans la plus modeste de ses peintures.

 

 



Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de Cicérone
  • : Biographie d'un écrivain également peintre dont la méconnaissance est une injustice
  • Contact

Profil

  • Cicérone
  • Ami de l'écrivain-peintre, je m'efforce de faire connaître son oeuvre, c'est la raison même de ce blog.
Si l'on désire obtenir certaines informations particulières, il est toujours possible de me joindre personnellement à cette adresse : artcu
  • Ami de l'écrivain-peintre, je m'efforce de faire connaître son oeuvre, c'est la raison même de ce blog. Si l'on désire obtenir certaines informations particulières, il est toujours possible de me joindre personnellement à cette adresse : artcu

Texte Libre

Voici une adresse pour celles et ceux qui désireraient éventuellement obtenir certaines informations particulières, si toutefois je suis en mesure de les fournir : artcultur@ifrance.com

Recherche

Autres textes.

Archives

Portrait

 

 

 

 

 

 
 

Il n’est peut-être pas tout à fait inutile de montrer le visage de l’homme auquel ce blog est consacré. L’esprit ayant besoin d’un support physique, grâce à l’intimité duquel il sait parfaire sa connaissance. La photo ci-contre date des années 1970.

 

 

 

 

 

 

 

 

Catégories