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15 juillet 2009 3 15 /07 /juillet /2009 05:26


Certains… Comment les nommer – question maintes fois posée ! – : critiques d’art, critiques littéraire, musicaux, historiens de l’art, amateurs (forcément éclairés), esthètes, professeurs, spécialistes de l’art contemporain… ? Toujours est-il que quelque soit l’intitulé de leur activité, certains de ces éminents personnages, confrontés par exemple à la peinture d’un arbre, d’un homme, d’une femme, d’une poule ou d’une fleur, abrègent un tel face-à-face en concluant par ces mots sans réplique : « aucune originalité ».

Ah bon. Original… Dans cette acception, cela veut évidemment dire : qui ressemble à d’autres peintures, qui n’est ni nouveau, ni neuf, ni personnel, qui n’est pas soi-même, qui est sans intérêt, banal, et à la fin des fins qui n’a pas de moi.

Or le comble de la banalité est l’excès “d’originalité”, la démesure. Cette banalité-là, plus que répandue, grâce à cette sorte de sophistes – intellectuels distingués faisant métier, commerce, de leurs sophistications (“Les sophiste ne sont que d’habiles gens, qui savent manier le peuple, le flatter dans ses préjugés et ses désirs…” Platon, Répu. VI, 492 s.), donc exagérément à la mode, banalité louée, adulée, mirobolée et payée avec la même débauche d’abus qui fait illusion, est donc qualifiée par les susdits éminents personnages d’originale. Bien entendu quelle que soit la nature de l’œuvre : architecturale, chorégraphique, cinématographique, picturale, etc.

Ce fait ordinaire démontre deux choses. La première, que ces personnages et les foules qui les suivent comme les rats dans la légende du joueur de flûte de Hameln (Basse-Saxe, Allemagne), sont totalement dépourvus d’esprit critique, de lucidité. Ou simplement d’honnêteté pour les uns, d’originalité (précisément) pour les autres. La deuxième, que la phobie de n’être pas original, d’être sans génie, de ne pas faire quelque chose de radicalement neuf, jamais vu, jamais lu ni entendu, est le moteur même de la banalité (Sartre, à propos de Jules Renard : “Il est hanté par le désir d’être original et par la crainte de n’y point parvenir”). Un moteur qui tourne à plein régime dans le but exclusif de produire nécessairement un objet qui laisse comme deux ronds de flan les fameux éminents personnages. Pour ce moteur humain il s’agit en effet de stupéfier et de récolter les fruits de ce choc de géant.

La véritable originalité n’est évidemment pas là. Entre la peinture (toujours par exemple) d’un arbre et celle d’un carré rouge, l’originalité n’est pas dans ce qui les différencie ou les oppose, mais bien dans ce qui, chez l’une ou l’autre, suscite un sentiment irrépressible. Non pas celui qui découle d’un coup de poing à l’estomac, geste barbare, mais celui qui naît d’une sensation d’intimité réciproque, geste amoureux. Faire une chose jamais vue ni vécue n’est pas plus obligatoirement synonyme d’originalité que digne d’admiration. Inversement, une chose originale n’est pas inévitablement digne d’éloge et d’émerveillement. En témoignent assez toutes les monstruosités que le génie humain (qu’il soit bon ou mauvais, il s’agit toujours de génie – d’ailleurs celui-ci est fréquemment accolé à la folie…) a mises au monde…

Il faut donc garder constamment à l’esprit que seules quelques indispensables notions (élémentaires) assurent simultanément l’originalité et l’authenticité – le progrès. Des notions si connues que les moteurs humains en mal de génie se dépêchent de disqualifier en les qualifiant de surannées, d’obsolètes, d’archaïques, afin d’éviter d’avoir à les utiliser. Il n’est peut-être pas inutile d’en citer à nouveau quelques-unes : la modestie, la simplicité, la mesure, l’ordre, le rien de trop, l’amour… Des notions et des mots aussi vieilles et vieux que l’homme. De ce point de vue, le nouveau-né est un vieillard. Dès lors que l’égoïsme, l’abus, le désordre, la démesure, la complication et la vanité vivent dans un homme, l’œuvre qui en sortira ne peut qu’être banale, banalité virulente jusque dans le despotisme de sa prétention.

De sorte que nos éminents personnages ne font que pérorer à la surface des choses. Ce sont de ces hommes qui, en croisière au large des Philippines, courageusement allongés sur leur transat, ignorent que sous la quille de leur esquif il y a une profondeur de 10 à 11000 mètres…

 

« Le bonheur n’est jamais que la perfection de l’horizon, même si la femme fait avec l’homme la perfection de la verticalité.

– Ce jet d’eau douce prend sa source dans la mer, dont la lèvre rejoint celle du ciel vers qui ce flambeau monte.

            Il n’y a pas de paradis au sommet de l’amour, il n’y a qu’une lumière immobile qui éclaire le ciel et la mer. –

            Même si l’homme fait avec la femme la perfection de la vie, l’horizon n’est jamais que le visage de la mort sur le rivage du bonheur. »

 

© Guy Brémond, in Récitatif.

 

 

 

 

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