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16 juillet 2009 4 16 /07 /juillet /2009 06:21


Lorsque, après deux heures et demie de voiture, on s’arrête enfin, qu’on se déplie pour sortir du véhicule, ce que l’on entend et voit est tel, qu’au lieu de claquer la portière derrière soi comme toujours on se retourne pour la fermer sans bruit…

Tous ceux qui viennent en ce lieu agissent de même. Tous regardent autour d’eux, comme s’ils cherchaient une chose indispensable jamais trouvée mais qui pourrait se trouver là…

Là, pourtant, il n’y a rien. C’est-à-dire qu’il y a le ciel – il est vrai pas tout à fait comme on le voit de partout – et des arbres, des sapins ; des sapins qui couvrent toutes les pentes d’une montagne qui entoure une sorte de clairière culturale. Et bien entendu un silence aussi libre et sans limite que le ciel, aussi droit et enraciné que les sapins.

L’ensemble est sévère, voire austère. Le regard pas plus que l’ouïe ne sont distraits. Au contraire, tout ici les convie au recueillement. À tel point que la voiture paraît totalement anachronique, pire : déplacée comme le serait un geste brutal. L’air semble être issu d’une culture biologique, comme dit la mode cultivée parce qu’elle rapporte de l’argent. L’air vaut mieux que ça puisqu’il circule ici librement, et qu’il a un goût sauvage très prononcé.

À ce stade, tout le monde est à la fois décontenancé, étreint et, bien qu’encore à l’insu de chacun, invinciblement charmé, au sens propre du mot, enchanté, là aussi au sens premier. Ces personnes, venues là en visite, font alors quatre pas, s’arrêtent, soudain surprises, puis jettent les yeux sur leurs pieds : ce sont donc eux qui remuent tout ce bruit ?

Ce sont deux dames. Si elles diffèrent quant à l’aspect, elles se ressemblent trop quant au fond pour n’être pas la mère et la fille. Chacune est belle d’une courtoisie qui perce l’apparence. La maison est en face. Vieille. Cinq fenêtres et la porte ouverte. De l’herbe et des fleurs – sauvages comme l’air, le ciel, le silence – envahissent un goudron mourant. Une des deux dames, la mère, frappe discrètement sur le bois de la porte ouverte. Toutes deux attendent le temps que la politesse exige, puis entrent dans une pièce qui, en langage paysan, est la salle. Il n’y a qu’un chat. Qui saute immédiatement de la chaise sur laquelle il dormait en rond pour venir se caresser aux chevilles de mesdames. Lesquelles sont manifestement sensibles à ces caresses félines, puisque l’une, la fille, s’incline aussitôt, la main tendue, et rend caresse pour caresse en ajoutant le poids léger de son sourire odorant.

Le silence n’a pas changé, l’austérité non plus. Et à part le chat, il n’y a toujours rien, c’est-à-dire pas un homme à l’horizon. Si les dames sont étonnées de cette absence d’hôte, elles ont assez de délicatesse pour ne manifester aucune impatience. Mais peut-être connaissent-elles le personnage qu’elles viennent visiter… ? Pour lors, après s’être avancées jusqu’à une grande table, avoir constaté que la porte intérieure, ouverte sur l’escalier conduisant à l’étage, était sans doute un signe de présence prochaine, l’une et l’autre, s’autorisant de cette permission, acceptent une chaise et sobrement s’assoient. Deux dames rendues encore plus belles par leur courtoisie ainsi exprimée, sans l’ombre d’un témoin.

Le chat a regagné sa chaise personnelle. Par la porte grande ouverte, le ciel et les sapins entrent se mettre également à table. Il est vrai que cette salle est aussi sévère qu’eux. La jeune dame continue cependant à offrir le pourpre de son sourire, les yeux dorés, les joues veloutées comme le ventre d’une abeille. Le silence en croit ses oreilles, puisqu’il ose enfreindre sa bonté pour sagement murmurer un mot très doux, très pur, très clair, à ces deux dames qui, bien qu’elles sachent d’une science sûre exprimer un respect parfait pour ce lieu étrange, sont étreintes d’un douloureux sentiment de solitude.

La salle où elles attendent est aussi dépouillée que l’air, le silence, le ciel et les sapins sont simples. C’est une salle utile. Sa beauté est de même nature que celle de l’outil : il n’y a rien de trop. Un bruit ? Non, le glissement d’un silence dans le silence comme du lait dans du lait. La jeune dame sourit. Sa beauté est de même nature que la caresse du chat, et la sienne au chat, une caresse utile, sans rien de trop. À cet instant, l’autre dame tourne à peine la tête du côté de l’escalier, tandis que les lèvres de sa bouche dessinent lentement dans son visage aussi plein qu’une rose lourde, un immense geste de pudeur bienveillante. Elle se lève comme on s’agenouille dignement, et tend sa main… Tandis que la jeune dame déjà debout s’offre à la délectation invisible du regard persan (pénétrant et doux) de Guy Brémond.

Tous ses amis ont bénéficié de cette atmosphère impérieusement modeste et simple. Les dames sont maintenant ses amies, les amies de son œuvre ; une œuvre qu’elles mangent de caresses en l’installant sous leurs yeux, sur les murs de leur maison.

 

 

 

 

 

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